Diagnostic préalable à l’intervention avec une personne employée problématique
18 septembre 2025

Chronique rédigée par :

Jean-François Dumas, CRHA
Conseiller principal en ressources humaines
Nous avons vu, dans le précédent article de cette série, l’importance capitale d’intervenir vite et bien lorsque se présente un problème avec une personne employée ou le collectif de travail. Dans cet article, nous nous attarderons davantage sur la personne employée problématique.
Pour illustrer l’éventail des possibilités et des mesures appropriées, nous vous proposons le schéma décisionnel suivant :

Distinguer la nature du problème
Il est primordial, avant l’intervention auprès de la personne employée, de poser un juste diagnostic : sommes-nous en présence d’une personne en difficulté, qui a des problèmes personnels, ou qui est difficile à gérer, qui manque de compétences ou dont le comportement est fautif ?
1. Intervenir auprès de la personne employée en difficulté
La personne employée en difficulté vit une situation qui la préoccupe. Il peut s’agir de maladie, de violence conjugale, de soucis avec les enfants, de parents vieillissants… Lorsque de telles préoccupations affectent la prestation de travail, généralement, l’employeur fera preuve d’une écoute bienveillante, puis offrira de l’aide, qui pourrait prendre différentes formes d’accommodement temporaire.
Comme nous l’avons vu dans la précédente chronique, il est important d’éviter de créer un sentiment d’injustice[i] dans le processus menant à l’accommodement. D’abord, en préservant la confidentialité relative aux difficultés de la personne employée, vous assurez la justice relationnelle. Puis, en établissant les mesures prévues dans la documentation rendue disponible aux employés, relative à leurs conditions de travail, et en agissant en conformité avec vos obligations[1], vous assurerez la justice procédurale. Enfin, plusieurs employeurs assurent la justice distributive en exigeant, avant de mettre en place une mesure d’accommodement, un document qui atteste de l’état de la personne employée et de ses limitations en lien avec l’emploi.
2. Intervenir auprès d’une personne employée difficile à gérer
Ici, il est fondamental d’identifier ce qui rend la personne employée difficile à gérer. L’intervention sera différente pour une personne employée qui n’a pas la capacité d’effectuer le travail attendu, de celle dont le comportement fautif est volontaire. Nous utiliserons la voie disciplinaire pour la personne employée au comportement fautif et la voie administrative pour celle qui n’a pas la capacité de répondre à nos attentes.
2.1 Lorsque la capacité de répondre aux attentes est en cause
Il s’agit de manquements involontaires de la part de la personne employée. On peut penser à la personne employée qui n’arrive pas à atteindre la performance attendue, qui ne répond pas aux exigences de l’emploi. Elle ne fait pas preuve de mauvaise volonté, elle n’est pas négligente, mais elle n’y arrive pas.
Dans ce cas, il serait inutile et malveillant de lui imposer une sanction disciplinaire. Même si la finalité est la même qu’à l’issue du processus disciplinaire (les interventions pourront se conclure par un congédiement administratif), nos interventions devront viser à soutenir la personne employée. Ces interventions devront satisfaire cinq critères[ii], préalables au congédiement administratif :
- Définir les attentes envers la personne employée et identifier ses lacunes;
- Communiquer celles-ci à la personne employée;
- Offrir un soutien suffisant et une opportunité réelle d’atteindre les attentes communiquées et de corriger les lacunes identifiées;
- Offrir un délai suffisant à l’obtention des améliorations recherchées;
- Prévenir la personne employée de la conséquence, dans l’éventualité où les améliorations recherchées ne seraient pas obtenues à l’expiration du délai.
Les mesures administratives peuvent inclure, selon les situations, des évaluations de performance, des plans d’amélioration ou des lettres d’attentes. Ce sont des interventions délicates qui nécessitent une préparation minutieuse et les documents qui en font état revêtent une grande importance.
2.2 En présence d’un comportement fautif
Corriger un comportement fautif et volontaire de la personne employée est inhérent au droit de gestion de l’employeur d’encadrer son personnel afin qu’il se conforme aux règles en vigueur dans l’entreprise.[iii] Les mesures disciplinaires utilisées pour corriger les comportements fautifs doivent être :
a. Graduelles, en progression
Généralement, l’employeur commencera par un avis écrit, suivra avec une ou des suspensions courtes, puis une ou des suspensions longues et enfin, le congédiement, si l’employé n’amende pas le comportement fautif.
b. De nature à corriger le comportement fautif
On ne sanctionne pas par vengeance. On doit viser un changement de comportement et donner l’opportunité à l’employé d’y arriver, en mentionnant le comportement fautif et les correctifs que l’on souhaite observer.
c. Proportionnelles à la faute reprochée
Une faute grave peut permettre de surseoir à la gradation des sanctions, afin que la sanction soit proportionnelle à la faute commise. Dans certaines circonstances, nous pourrions imposer une suspension, ou même un congédiement, si la gravité de la faute l’exige.
d. La double sanction n’est pas permise
Une personne employée ne peut pas être sanctionnée plus d’une fois pour les mêmes faits. Vous ne pourriez pas, par exemple, d’abord adresser une lettre de réprimande, puis ajouter à cette mesure disciplinaire une suspension ou un congédiement. Ce principe impose de la clarté dans les communications avec la personne employée fautive, notamment lorsque des mesures doivent être prises entre la connaissance de la faute et la présentation de la sanction.
e. Prises à la suite d’une enquête équitable
La décision de sanctionner une personne employée doit s’appuyer sur des faits, qui sont établis par prépondérance des éléments disponibles et portés à votre connaissance. La personne employée fautive doit aussi avoir eu l’opportunité de vous offrir son point de vue sur les événements. Plusieurs entreprises distinguent la cueillette des faits effectuée lors de l’enquête, de la rencontre avec la personne fautive, qu’ils nomment rencontre d’équité procédurale.
Comme nous l’avons vu précédemment, il est impératif d’intervenir lorsque se présente une problématique avec une personne employée, notamment pour préserver la qualité du climat de travail, en offrant de la « justice » aux employés dont le comportement est irréprochable. Nous savons que ce sont des moments difficiles pour les gestionnaires impliqués et qu’ils ont besoin de soutien pour réaliser un juste diagnostic et préparer les interventions requises. Nous souhaitons que cette chronique vous ait permis d’identifier les informations que vous devrez collecter afin de choisir la démarche la plus appropriée lorsqu’une personne employée vous présentera le défi de surmonter ses difficultés, son incapacité ou son comportement.
SI un aspect de cette chronique a attiré votre attention et suscite votre intérêt, n’hésitez pas à joindre l’auteur : jfdumas@ressources.coop.
Références
[1] L’employeur a des obligations minimales envers ses employés en difficulté, notamment lors de maladie, don d’organe et de tissus, accident, violence conjugale, violence à caractère sexuel, victime d’un acte criminel, difficultés d’un proche, événements familiaux tels que décès, mariage et naissance.
[i] Bertholet, Gaudet, Robert, Le sentiment d’injustice en entreprise — Anticiper pour assurer la performance, Mardaga, 2021.
[ii] Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante, 2005, QCCA 788
[iii] https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/milieu-travail-sain/droit-gestion