Entre promesses et impacts : l’économie sociale face au défi numérique

Regards d’expert·e·s

4 Décembre 2025


Rédigé par :

Simon Chevalia

Simon Chevalia
Analyste d’affaires

Les nouvelles technologies transforment nos façons de travailler, de communiquer et de servir la société. Elles promettent efficacité et innovation, mais derrière cette révolution numérique se cache un revers inquiétant : chaque clic a un coût environnemental.

En 2024, les centres de données au Québec consommaient déjà autant d’électricité qu’une ville de 40 000 foyers. Ce n’est qu’un début : d’ici 2032, leur demande pourrait augmenter au point de nécessiter l’équivalent de la production d’une grande centrale hydroélectrique, comme La Romaine-2 (Bibliothèque de l’Assemblée nationale, 2024). Autrement dit, bien que notre énergie soit propre, ces « usines numériques » pèsent lourd sur notre réseau électrique.

Devant ces défis énergétiques et matériels, il n’y aura pas de solution parfaite. L’économie sociale peut toutefois être un acteur essentiel pour inspirer des pratiques alignées sur la mission et les valeurs.

Les promesses de productivité du numérique font rêver… mais à quel coût ?

Parmi les nouvelles technologies, nous retrouvons notamment l’IA générative, qui, en particulier, accélère la croissance des impacts environnementaux du numérique, car elle implique un renouvellement fréquent des équipements, une augmentation de la production de puces, de centres informatiques et de déchets. La technologie n’est toutefois pas nécessairement la source du problème, qui se trouve plutôt dans la manière et les objectifs de son utilisation.

Oui, l’intelligence artificielle est un sujet tendance qui fait rêver; cependant, nous devons prendre conscience de ses impacts et ne pas nous limiter à l’aspect innovant ou attractif de l’IA, mais nous assurer que leur utilisation ait un véritable effet levier positif pour notre entreprise.

D’un point de vue stratégique, il est également nécessaire de sortir d’une vision idéalisée, où le numérique serait automatiquement la solution à tous les problèmes, et d’adopter une réflexion plus critique et informée sur les usages ainsi que les choix technologiques.

Transformer la menace en opportunité

Les entreprises du GAFAM [1], bien qu’elles puissent tenter de se positionner autrement, ne sont généralement pas les plus propres au niveau environnemental. En raison de leurs grands volumes d’activités, ces entreprises permettent d’offrir des technologies de pointe avec un excellent rapport performance/coûts.

Certaines alternatives existent, comme des logiciels libres, qui sont généralement plus écologiques et éthiques, mais la performance globale et les coûts du GAFAM sont parfois difficiles à concurrencer. Étant donné que plusieurs entreprises collectives ont des ressources financières plus limitées que les entreprises privées, des décisions doivent être prises en considérant la réalité de l’entreprise, soit ses valeurs, ses orientations stratégiques et ses ressources disponibles.

Oui, les entreprises d’économie sociale devront peut-être prendre des décisions ayant des impacts écologiques, mais leurs économies servent à financer leurs missions sociales. Bien que plusieurs de ces missions sociales ne visent pas directement l’environnement, elles peuvent toutefois compenser en amenant des bénéfices sociaux pour la société. Les économies générées peuvent également permettre de faire des choix écologiques sur d’autres types de fournisseurs.

L’avantage des entreprises collectives au niveau environnemental

Lorsqu’une nouvelle technologie devient disponible, telle que l’intelligence artificielle générative, les enthousiastes se dépêchent de l’utiliser et de la déployer à grande échelle. En raison de divers facteurs relatifs à leurs capacités (financières, humaines, etc.), plusieurs entreprises collectives adoptent les technologies à un rythme plus mesuré, ce qui leur permet d’évaluer les impacts avant de les déployer.

De plus, les entreprises collectives ont l’avantage d’être proches de leurs membres et sont mieux équipées pour réellement comprendre leurs besoins. Une bonne compréhension des besoins pourrait notamment permettre d’utiliser le minimum d’outils technologiques nécessaires afin de conserver une bonne prestation de services. Autrement dit, les entreprises collectives n’utilisent pas la technologie pour déshumaniser leur prestation de services, mais bien pour améliorer l’efficacité et l’expérience envers leurs membres.

Il est important de considérer l’impact de nos décisions. Certaines décisions auront des impacts positifs, d’autres négatifs, mais une analyse des impacts peut donner une visibilité aux dirigeants afin de leur permettre de prendre des décisions éclairées en fonction de leurs situations et besoins. Cette réflexion est d’autant plus cruciale dans un contexte où l’adoption de technologies émergentes, telles que l’IA générative, peut entraîner des bénéfices stratégiques tout en générant des coûts environnementaux significatifs liés à la consommation énergétique et aux ressources nécessaires. Intégrer cette dimension dans l’évaluation des impacts permet de concilier innovation et responsabilité écologique.

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[1] GAFAM : Acronyme de Google, Apple, Facebook (devenu Meta), Amazon et Microsoft. Il désigne les cinq plus grandes entreprises technologiques américaines qui dominent le marché du numérique et ont une influence majeure sur l’économie mondiale.

Références

Académie de la transformation numérique. (2024). Portrait numérique des foyers québécois. Consulté le 13 novembre 2025, sur https://transformation-numerique.ulaval.ca/enquetes-et-mesures/netendances/portrait-numerique-des-foyers-quebecois-2024.

Atos. (2024). Empreinte carbone des équipements numériques : analyse et recommandations. Consulté le 13 novembre 2025, sur https://atos.net/fr/2024/communiques-de-presse_2024_11_04/atos-publie-une-etude-sur-lenvironnement-de-travail-numerique-durable

Atos. (2024, 4 novembre). Accroître la durabilité de l’environnement de travail numérique. Consulté le 13 novembre 2025, sur https://atos.net/fr/2024/communiques-de-presse_2024_11_04/atos-publie-une-etude-sur-lenvironnement-de-travail-numerique-durable

Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec. (2024, 22 novembre). Les centres de données au Québec. Consulté le 13 novembre 2025, sur https://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/fr/document/349