Rentabilité : évaluer ses marges pour investir demain
23 octobre 2025

Rédigé par :

Étienne Desfossés
Conseiller expert en finance
Que ce soient les guerres commerciales, l’inflation au pays ou encore les politiques gouvernementales qui sont changeantes, l’environnement économique demeure incertain pour les coopératives et les organismes à but non lucratif.
Dans un tel contexte, la capacité à investir pour toujours innover et améliorer nos pratiques demeure essentielle afin de rester concurrentiels dans les services que nous offrons à nos membres et bénéficiaires. Afin de réinvestir dans nos activités, une fine compréhension de la rentabilité de celles-ci est primordiale.
Que ce soit au niveau de la marge d’exploitation ou de la marge nette, le fait d’en avoir une compréhension et une lecture avisée permet de mieux comprendre comment générer les investissements nécessaires pour assurer la pérennité de nos organisations.
La rentabilité : au-delà du profit
À tort, on associe souvent la rentabilité à un profit, ce qui relève davantage de l’analyse financière des entreprises privées que du domaine de l’économie sociale. Au-delà d’occuper la dernière ligne de nos rapports financiers, la rentabilité a une fonction fort importante pour le gestionnaire en économie sociale : elle permet de mesurer l’efficacité dans l’utilisation des ressources pour atteindre la mission de l’organisation.
Ainsi, la rentabilité agit comme un indicateur de l’efficacité de nos activités, permettant de mieux piloter celles-ci. Elle devient donc un levier de la mission sociale de notre coopérative ou organisme à but non lucratif. Comme tout bon indicateur, la rentabilité se décline dans un tableau de bord en plusieurs mesures, incluant notamment la marge d’exploitation et la marge nette. Ces différentes mesures permettent de constater diverses forces et faiblesses de nos organisations, qui nous aident ensuite à aspirer à une meilleure rentabilité, au profit de notre mission et des services que nous offrons à nos membres et bénéficiaires.
Marge d’exploitation : le nerf de la gestion au quotidien
1. Définition :
La marge d’exploitation représente la différence entre les revenus générés par les activités courantes et les charges directement liées à ces mêmes activités en pourcentage de ces mêmes revenus. Elle n’inclut donc pas les dépenses administratives. Son calcul est fort simple et se mesure comme suit :
2. Implications :
Dans le cas des organisations d’économie sociale, cette marge reflète la valeur créée pour les membres par le biais des activités normales. Une marge d’exploitation saine témoigne de la capacité de l’organisation à offrir des services ou produits de qualité, tout en maîtrisant les coûts de ceux-ci. Pour les OBNL et coopératives, elle devient un outil d’optimisation : maximiser l’impact social tout en minimisant les dépenses inutiles. En somme, la marge d’exploitation permet de répondre à une question élémentaire : génère-t-on assez de revenus pour les services offerts aux membres ?
3. Comment en tenir compte :
Le suivi rigoureux de cette marge passe par une évaluation périodique des coûts d’exploitation, ce qui permet de garder le cap sur la mission tout en assurant une gestion efficace. Une analyse du coût de revient par activité, par service, par projet ou par produit peut être d’une grande valeur pour optimiser cette marge.
Marge nette : ce qu’il reste vraiment au bout du compte
1. Définition :
La marge nette, calculée en divisant le résultat net par les revenus totaux, révèle ce qu’il reste une fois toutes les charges déduites. Elle est souvent perçue comme le véritable indicateur de la santé financière d’une organisation. Elle inclut les dépenses administratives. Son calcul est fort simple et se mesure comme suit :
2. Implications :
Dans une coopérative, une marge nette positive permet de verser des ristournes aux membres ou de réinvestir dans des projets collectifs. Pour les OBNL, elle représente un excédent qui peut être réinjecté dans la mission, renforçant ainsi l’impact social.
3. Comment en tenir compte :
La marge nette permet également de constater si nos charges administratives ont une taille adéquate pour notre niveau d’activité ou encore si elles prennent une trop grande place dans notre structure financière. Une marge d’exploitation positive jumelée à une marge nette négative pourrait signaler la nécessité de diminuer la taille de l’administration de notre organisme. Il demeure toutefois essentiel de contextualiser cette mesure et de l’interpréter à la lumière des objectifs sociaux et communautaires de nos organisations.
En résumé, comment articuler le tout en pratique ?
En somme, considérons par exemple une entreprise d’économie sociale qui a les résultats financiers du tableau suivant.
États financiers sommaires
Si on effectue nos calculs, on trouve les marges suivantes :
- Marge d’exploitation de 20%.
- Marge nette de -10%.
Dans le cas présent, la marge nette peut rapidement attirer notre attention : comme on constate une marge nette négative, on perd manifestement des fonds avec nos activités ! Il faudrait donc s’intéresser aux événements qui ont ponctué l’année actuelle afin d’évaluer ce qui a mené à cette perte nette. On pourrait également comparer cette perte aux autres organisations de notre secteur afin d’évaluer nos résultats dans un contexte plus global, avec des organisations qui vivent les mêmes vents contraires que nous.
On peut ensuite s’intéresser à la marge d’exploitation. On remarque que cette marge est de 20%. Il conviendrait de la comparer aux secteurs et aux résultats passés. Toutefois, on peut conclure que nos activités d’exploitation sont rentables.
Ce constat, jumelé à celui concernant la marge nette, pourrait nous amener à nous questionner : si nos activités d’exploitation sont rentables, mais que nous perdons de l’argent, avons-nous trop de charges administratives ou encore pas assez de volume d’affaires pour soutenir cette structure administrative ?
Gérer les excédents : investir sans compromettre la mission
À la suite de ces analyses de notre rentabilité, une question demeure : Que faire des surplus ? Il peut s’agir d’une question épineuse lors d’assemblées générales, et aucune recette magique n’existe à cet égard, comme cela change d’un secteur d’activités à un autre. Une chose est sûre, allouer une partie de nos excédents à un réinvestissement dans des projets pour permettre du développement et de l’innovation est toujours souhaitable. Cela doit toutefois se faire sur la base de critères préétablis, afin de s’assurer de la rentabilité de nos projets à long terme. Maintenir une réserve pour les périodes de vaches maigres s’avère également une saine pratique qui permet d’augmenter la résilience de nos organisations en période d’incertitude. Cela nécessite une discussion en conseil d’administration, voire en assemblée générale, afin de réfléchir à la répartition et à l’usage que nous souhaitons faire de ces excédents, en considérant le vœu de pérennité que nous faisons pour notre organisation.
La rentabilité, un outil et non une fin en soi !
La rentabilité, loin d’être une fin en soi, est un outil stratégique au service de la mission. Pour les coopératives et les organismes à but non lucratif, bien évaluer la rentabilité permet non seulement de mieux comprendre les opérations, mais aussi de planifier l’avenir avec confiance. Instaurer une culture de gestion rigoureuse, fondée sur des indicateurs pertinents et adaptés, permet de renforcer la pérennité des organisations tout en restant fidèles à leurs valeurs. C’est en conjuguant performance et mission que nous pourrons continuer à répondre aux besoins de nos communautés, aujourd’hui et demain.
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